Avant de partir à l’autre bout de la France, je décide de découvrir les initiatives à Nantes, près de chez moi. Je connaissais déjà Translucide, un CMS (Content Management System : un outil pour faciliter la création de sites web), j’ai contacté Simon Vandaele, son créateur.
Je le rencontre dans un café de Nantes, et on passe 1h30 à discuter sites sobres, robustesse, réseaux Internet, et essentialité du numérique.
Simon Vandaele et Translucide
“Translucide, je vais te raconter un peu l’histoire du truc. Moi, ça fait un peu plus de 20 ans que je fais du web, j’ai appris en autodidacte… Je faisais des sites, le soir, parce que c’était ma passion. Y avait déjà Internet, à l’époque mais peu de gens l’utilisaient.”
Quand apparaissent les CMS, il s’en empare, mais très vite le code de ces outils lui paraît beaucoup trop lourd et complexe. Alors il décide de créer Translucide, un CMS léger, qui va droit au but, et dont il saura comment il marche puisque c’est lui qui aura tout codé.
Mais Translucide n’est pas qu’un CMS, c’est aussi un collectif d’indépendant.es : une graphiste, des intégrateur.rices, des développeurs, une communicante, un reponsable SEO; qui proposent la conception de sites sobres, robustes et accessibles.
Sites web et éco-conception
Si Simon voulait au départ que tout le CMS tienne en 1 seul fichier, il se rend assez vite rendu compte que ce n’est pas possible pour ce dont il a besoin. Aujourd’hui, Translucide comporte une quarantaine de fichiers, et c’est déjà bien peu par rapport à la plupart des autres CMS.
Tableau comparatif des poids des principaux CMS avec Translucide, en 2025. Réalisé par Simon Vandaele.
Ver : Version; Fichiers : Nombre de fichier sur le disque; Poids : poids du CMS en mégaoctets; Colonnes grises : facteur multiplicateur, avec Translucide en référence
Surtout, Translucide est pensé avec les fonctionnalités de base. Les fonctionnalités “bonus” sont ajoutées si elles sont jugées utiles et pertinentes. Elles sont développées par le collectif, sur mesure, pour que chaque élément du site web soit compris et utilisable.
“Les autres CMS, les frameworks, c’est des briques, et le maçon ne sait pas comment les utiliser. C’est pleins de code, développé par d’autres gens. Le développeur les utilise sans savoir comment ils sont faits. Ça fait 20 ans que je fais du numérique, on fait toujours la même chose au final. On utilise plus ou moins de code pour le faire mais derrière, c’est que du HTML. Pourquoi avoir un couteau Suisse, comme Wordpress ou autre, qui permet de tout faire, alors qu’on n’a pas besoin de tout faire..? Les blocs pour 1 fonctionnalité, à chaque fois, c’est des usines à gaz. Juste éditer du contenu c’est 3x plus gros que le CMS entier de Translucide ! C’est ce qui fait qu’au final, on utilise que 20% des outils et fonctionnalités qu’on a… L’idée de Translucide, c’était de faire un truc de base où on puisse se connecter, qui permet d’enregistrer dans un endroit les données des gens, qu’ils puissent les éditer et qui puissent être restituées aux utilisateurs finaux.”
L’éco-conception, c’est faire simple, et c’est pas facile. Cela demande de comprendre vraiment le besoin de celles et ceux qui utiliseront le site au final, pour que le site réponde à ces besoins sans en créer de nouveaux. Il faut aller au-delà de ce que demande le client, car il peut demander des fonctionnalités qui ne sont pas le réel besoin de l’utilisateur.ice.
La technique vient après le questionnement du besoin. Et à ce moment, l’un des plus gros impacts est ce qu’on appelle l’obsolescence logicielle. En moyenne, les logiciels sont utilisés entre 2 et 5 ans (selon HOP Halte à l’Obsolescence Programmée, dans cet article https://www.halteobsolescence.org/quest-ce-que-lobsolescence-logicielle/). Le problème, c’est que les nouvelles versions de logiciels sont fabriquées avec des outils qui ne sont plus supportés par nos anciens appareils, favorisant leur remplacement et contribuant fortement à l’impact du numérique (75% de l’impact environnemental du numérique serait lié à sa fabrication. Source : https://www.economie.gouv.fr/numerique-propositions-lutter-contre-obsolescence-logicielle#). Pour les sites web, c’est le même problème.
“Pleins de nouvelles technos, et même certains formats d’images comme le webp, ne sont plus supportés par certains navigateurs. A Translucide, on teste nos sites sur une quinzaine de périphériques différents, dont des navigateurs qui ont plus de 10 ans. Pour voir si l’expérience est dégradée, et si l’information passe bien quand même.”
Il y a aussi une question de robustesse : faire en sorte que le site dure longtemps, sans perdre énormément de temps à remettre à jour et en limitant le besoin de redévelopper pour patcher les failles de sécurité ou les changements de terminaux.
“Quand t’as un Wordpress avec des milliers de plugins, tu ne sais plus ce qui gère quoi, ce qui n’est plus à jour… On a pleins de clients qui viennent nous voir avec un site de e-commerce qu’ils ont depuis 5 ans. Le site, ils arrivent même plus à le modifier. Ils ont un coût de maintenance énorme, ils ont des failles de sécurité…”
Eco-concevoir comporte donc des avantages pour le client. Outre la réduction des coûts et du temps de maintenance, outre la satisfaction de l’utilisateur.trice qui trouve rapidement ce dont il ou elle a besoin et sans être envahi.e par des fonctionnalités inutiles, le site est plus optimisé et se chargera donc plus rapidement, sur tous les terminaux. SEO, amélioration de l’UX (“User Experience”), ce sont des concepts très actuels que les clients recherchent.
Réseaux dans tous les sens du terme
" - Je vis avec mon époque, j’ai essayé de m’extraire du numérique, mais je n’y arrive pas. En fait c’est un peu que ce que je sais faire, j’ai été éduqué à ça. Comment je peux faire pour qu’il soit moins impactant et plus en conscience ? Si on fait de l’éco-conception, c’est pour réduire l’impact mais aussi réduire l’usage : “Est-ce que vous avez vraiment besoin de ça sur votre site ? Est-ce qu’un rapport humain c’est pas plus intéressant ?”. J’ai fait une interview avec quelqu’un, il m’a fait un rapport avec une IA après. Là on se voit en vrai, je trouve que c’est vachement plus intéressant..! Je fais beaucoup de sites de mairie, j’ai pas envie qu’il y ait autant de sites de mairies : c’est peut-être bien que les gens aillent aussi en mairie, rencontrer les autres et poser leurs questions et avoir un rapport humain…"
" - Je suis partie 10 jours en Ecosse, sur une petite île, Eigg. Ils sont 120 sur l’île et vivent en communauté et ça m’a fait réfléchir sur les rapports au sein de communauté. Je me dis qu’on devrait vraiment favoriser ces petites communautés locales. Peut-être que le numérique peut être pertinent pour créer ce lien."
" - Le réseau Internet russe fonctionne un peu comme ça, en communauté. Chaque petite ville, village a créé son propre réseau qui vient s’interconnecter avec son réseau voisin."
" - Une espèce de Fediverse ?"
" - Ouais, mais vachement avant que ce concept existe. Maintenant, ils ont un réseau Internet national, mais qui est l’héritage de cet ancien réseau de réseaux. C’est beaucoup plus compliqué à contrôler, par exemple, parce que ce sont pleins de réseaux indépendants : les réseaux locaux ont leurs propres fournisseurs Internet de village. Etendre le réseau de communication, c’est aussi étendre le contrôle, uniformiser le territoire… Je vois pleins d’écrivains sur le monde, la nature, qui disent, même à l’autre bout du monde, les gens ont les mêmes cultures que nous : on a tous accès à la même chose, donc tout le monde écoute les même trucs, y a plus de différence, même les langues s’uniformisent. J’ai déménagé dans un village, les gens sont beaucoup moins connectés…"
“- C’était ce que tu cherchais en y emménageant ?”
" - Je viens de la campagne initialement, ensuite j’ai déménagé à Nantes parce que j’y avais une opportunité mais j’ai toujours été un enfant de la campagne, tu vois. Je trouve que t’es plus ancré dans la réalité. En ville, tu fais que t’accaparer des ressources, tu produis pas vraiment, à part des choses intellectuelles. Même si c’est vrai que c’est plus compliqué, quand je veux organiser un évènement sur un sujet dans le village, c’est plus difficile d’avoir du monde. Alors qu’à Nantes j’ai fait pas mal de “Meetup”, on avait 20 personnes directement. Et, en même temps, j’ai fait des tonnes de Meetup, pendant 4-5 ans, au final, on a jamais vraiment ancré quelque chose dans le réel. Est-ce que tu peux dire que tu connais plus quelqu’un grâce à Internet ?"
" - …Ouais, je pense."
" - Ah oui ?"
" - J’ai eu un portable en seconde, donc assez tard pour ma génération, j’en faisais un peu une fierté. Je suis scout et au début, je ne voyais mes potes scouts que dans le cadre des scouts, donc une ou deux fois par mois. Avoir la messagerie instantanée m’a permis de discuter entre deux rencontres, maintenir le lien et s’organiser facilement des moments ensemble, hors-scout."
" - Prolonger le contact."
C’était mieux avant ?
" - Je reviens à Translucide. Tu parlais du fait que ça soit très léger, notamment dû au fait qu’il y a très peu de fichiers par rapport aux autres CMS, et que ce nombre de fichier permet également d’être beaucoup plus maître de son site Internet…"
" - J’ai quasiment aucune dépendance à un système extérieur. Le problème avec les dépendances c’est que si quelqu’un d’extérieur modifie la dépendance, t’es obligé de mettre à jour. En fait, je suis contre les mises à jour, quelque part. La mise à jour, c’est être d’accord avec l’obsolescence."
" - Celle qui n’est pas corrective."
" - Oui. Un service n’est jamais fini. Quand j’ai créé Translucide, il y a 8 ans, j’avais des objectifs qui n’étaient pas utiles. Ça m’arrive encore de retirer du code. Là c’est ma plus grande fierté ! Je suis pas trop “maximes” en général, mais j’aime vraiment ce que dit St Exupéry : “La perfection est atteinte non pas quand il n’y a rien à rajouter…”
" - …mais quand il n’y a plus rien à retirer" ! J’aime beaucoup aussi."
" - Ce que je trouve intéressant aussi, c’est que les gens se réapproprient les outils, cherchent à faire un truc qui leur ressemble. Je trouve ça triste aujourd’hui, que les gens abandonnent la connaissance de comment fonctionnent les choses. Je discutais avec le fils d’un ami, on parlait des algorithmes sur Deezer et Spotify. Il savait même pas vraiment ce qu’est un algorithme de sélection, ne cherchait pas à comprendre comment ça fonctionne. Comme si on ajoutait la brique “algorithme de sélection” comme ça, sans voir comment elle est construite."
" - Même sur des choses basiques : comment fonctionne un ordi, nos logiciels, savoir qu’il y a un code source… C’est hyper intéressant, et c’est hyper important parce que ça permet de se rendre compte que l’application n’est pas juste “comme ça”, elle a été pensée de telle manière, donc elle peut être pensée d’une manière différente."
" - C’est plus trop les préoccupations, aujourd’hui. Quand j’ai débuté l’informatique, on était très limité par les hardwares. J’étais fasciné par des jeux vidéos, ça avait été développé par 3 gars, ils faisaient des trucs fou avec très peu de ressources informatiques. Alors qu’aujourd’hui, plus personne ne sait vraiment comment ça fonctionne. À la limite, c’est pas très grave : quand on apprenait les processeurs, la mémoire, c’était compliqué et chiant, hein. Mais j’ai l’impression que les gens sont moins curieux. Je me dis que c’est qu’on a tellement d’informations qui nous arrivent, on n’a plus l’espace, l’ennui qui t’amène à réfléchir plus, à remettre en question les choses…"
" - C’est l’esprit de bidouille aussi. En discutant avec des gens qui s’intéressent à ça, dans des fablab et tout, je leur demande “Mais comment t’as appris à réparer ?” en fait ils démontaient des choses, les remontaient, y avait toujours plus de pièces qu’au début, et puis petit à petit les trucs remarchent. J’ai des potes qui sont comme ça, j’ai beaucoup de potes qui le sont pas du tout aussi, mais je trouve que c’est important."
" - S’intéresser à la radicalité, à la racine des choses."
Pour Translucide, les développeurs font attention à qui sont derrière les technologies utilisées, pour ne pas soutenir des entreprises qui ne respecteraient par leur éthique. Je fais remarquer à Simon qu’il est parfois compliqué de ne pas utiliser de technologies qui sont optimisées, et qu’il faut bien définir la balance entre les technologies développées par des géants du web et donc, dont l’utilisation les soutiennent mais qui sont optimisées et permettent de concevoir sobre et robuste, et celles qui respectent notre éthique mais qui sont moins éco-conçues. Il me répond :
" - En fait, tu peux ! Tu peux utiliser des outils libres et développés par d’autres que les GAFAM. PHP, MariaDB, c’est des outils qui ont 20, 30 ans, qui ne sont peut-être pas autant optimisés que certaines nouvelles technos mais qui permettent quand même de développer des sites éco-conçus. On parle beaucoup de performance, par rapport aux consommations énergétiques, mais c’est juste un petit paramètre. Si tu regardes la nature, par exemple : le rendement de la photosynthèse, c’est 1 ou 2% de l’énergie solaire ! Par contre, une plante est capable de se régénérer, de se biodégrader… Y a un mec que j’aime bien [Olivier Hamant] , il dit : “Si vous faites un ordi qui a très peu de rendement, s’il est biodégradable, alors pourquoi pas ?” On parle de numérique, low-tech, etc, la vérité c’est que le numérique, même au niveau le plus bas c’est quand même extrêmement technologique, ça dégrade notre environnement, de toute façon ! Il n’y a aucun numérique qui compense son impact : même quand on le récupère, au final c’est quand même un déchet, qui n’est pas recyclable, pas biodégradable…"
La conversation dévie un peu, et comme de plus en plus avec celles et ceux que je rencontre pour parler numérique, on a assez vite remis en question l’essentialité du numérique.
Du numérique essentiel..?
" - Je pense qu’on se voile la face avec le numérique. Pour moi y a quasiment aucun aspect positif. Après, aujourd’hui ça nous permet de faire des trucs marrants qui sont chouette et correspondent à notre époque."
" - Tu penses que c’est le seul intérêt du numérique : faire des trucs marrants ?"
" - Moi je viens d’une époque où y avait pas Internet. On avait les pages jaunes, on avait besoin d’un service, on allait dans les pages jaunes. C’était un gros bouquin, ça faisait le travail !"
" - Mais notre société actuelle n’est plus adaptée à ça…"
" - C’est ce que je veux dire : on ne peut plus sortir de ce cercle. Même en étant dans l’éco-conception, je suis en dissonance constante parce que j’essaye de réduire l’impact d’un truc qui dans tous les cas a un impact. Je préfère être honnête avec mes clients en leur disant : en faisant un site écoconçu, on fera un site un peu moins impactant, mais il aura quand même un impact. Un humain sur la Terre, crée de l’anthropisme, la question c’est quel niveau de désordre on accepte."
" - Et le fait que tout ça ait grossi aussi rapidement, j’ai l’impression qu’on ne maîtrise plus du tout."
" - On le voit bien avec l’IA."
" - C’est exactement où j’allais en venir..!"
" - On essayait de réduire l’impact de nos usages numériques, et puis l’IA arrive, et double, triple notre impact."
" - C’est un peu comme la loi de Moore : on augmente la puissance par 10 mais ces outils ne sont même pas 2x plus utiles."
" - Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’il y a 20 ans, on avait encore l’espoir d’un numérique qui sert à quelque chose, qui émancipe les gens, qui participe à la richesse culturelle mondiale… Alors qu’aujourd’hui, mon sentiment personnel, c’est qu’on uniformise les cultures, et on privatise tout. Même moi, je vois que dans mon quotidien, je ne vais plus que sur 2-3 sites"
" - Lesquels ?"
" - Google, YouTube… Les sites des GAFAM finalement. Même si je vais sur Wikipédia ou les forums, les “géants du web” ont accaparés mon attention de manière assez extrême. Tu vois, je fais beaucoup de jardinage : j’ai pleins de bouquins et puis je regarde des vidéos de jardinage, j’ai appris pleins de trucs sur Internet, mais est-ce que mes pratiques de jardinage ont tant changé que ça ? Après c’est sûr que c’est sympa, j’aime bien…"
" - Pour moi, le numérique a permis deux choses qu’il y avait moins avant : l’accès à la connaissance et…"
" - La possibilité d’accéder à la connaissance, c’est différent…"
" - Oui mais justement : en sachant ça, comment on fait pour permettre un accès à la connaissance plus efficace pour tout le monde ? La deuxième chose, c’est la possibilité d’apporter un autre imaginaire, permettre l’inspiration. Je regarde pas mal, par exemple, les documentaires du Low-tech lab sur Arte. Je trouve ça génial : ils ouvrent de nouveaux horizons, différents de ceux qu’on nous présente quand on parle “futurisme”, et qui m’enthousiasment bien plus !"
" - C’est des gens qui sont très justes, aujourd’hui. On regarde leurs docus avec ma fille, “Biosphère du désert”, et tout. Quand elle va au collège et qu’il y a des projections sur le futur, pour les autres enfants, ce sera voitures volantes et immeubles avec toits végétalisés. Elle, elle dit : “Bah non, on vivra dans des biosphères, on mangera des criquets.”
" - Elle a quel âge ?"
" - 13 ans. Elle a raison ! Parce qu’on est en train de détruire nos éco-systèmes, il fera 50°c… C’est ça la réalité ! Mais ça demande de changer nos regards sur nos habitudes, nos…"
" - Habitus..?"
" - Oui, c’est accepter de se passer de certains trucs alors qu’on est formés depuis des dizaines d’années à les consommer. Les toilettes sèches par exemple : imbattable !"
" - Et donc, typiquement, c’est parce que ces vidéos qui montrent d’autres futurs sont sur des plateformes très utilisées, que des gens qui ne sont pas du tout là-dedans peuvent tomber, un jour, sur une vidéo qui va les faire voir autre chose, un autre imaginaire, et ça contribue à changer nos récits."
" - Je nuancerais : quand j’étais enfant, mon père avait une grosse encyclopédie, t’as un tome par lettre, c’est des gros livres. Mon imaginaire se construisait avec ça, et les magazines. Mon univers c’était “Sciences et vie”, j’adorais ! Je pense qu’on peut façonner son imaginaire sans numérique. Après, c’est ce qui existe aujourd’hui, et ce qui est utilisé. Autant s’en servir comme fait le Low-tech lab, mais je ne pleurerais pas la disparition de ce truc-là si ça devait arriver. Et ça va arriver."
" - Tu penses ?"
" - On est dans une parenthèse, dans le pic de la technologie, dans l’apogée du numérique. Il y aura forcément une décroissance forcée ou non : comment on s’y prépare ?"
" - Donc, tu penses qu’il n’y a pas de numérique essentiel ?"
" - Si tu te projettes dans 20 ans : quel numérique, il y aura ? Je ne suis même pas sûr qu’il y ait encore du numérique. Même l’essentiel, pas sûr qu’il vaille le coup. Philippe Bihouix, qui a écrit “L’âge des low-tech”, le dit bien : le problème c’est qu’on arrive à un niveau technologique hyper élevé, qui permet, certes, de répondre utilement à des besoins : soigner des cancers, remplacer un bras, mais c’est parce que toute la chaîne du numérique existe. Avec un numérique low-tech, tu ne peux pas avoir ce niveau technologique-là."
“Ça questionne le numérique essentiel, effectivement.”
~
La discussion a continué. On a parlé de mon projet et des initiatives de numérique responsable qui existent. Ça n’est pas la première (ni la dernière) fois qu’on me dit que le monde serait mieux sans numérique, ou en tout cas qu’il n’est pas mieux avec. Avec les évolutions récentes, la société devient de plus en plus critique de ces technologies, et encore plus celles et ceux qui s’y connaissent. J’aurais pu sortir du café un peu défaite et démotivée. Je crois qu’au contraire, cet échange m’a reboostée. Que le numérique soit complètement inutile est une éventualité que j’ai apprivoisée, qu’il ait un gros penchant négatif est un fait qui ne me résigne pas.
Je compte bien explorer l’existant et les possibles du numérique essentiel, et si la conclusion de ces deux mois est qu’il n’y a aucune essentialité au numérique, je crois pouvoir m’y résoudre.
Pour aller plus loin…
- L’association Designers Ethiques a rédigé un Guide d’écoconception de services numériques. Il regroupe un ensemble de bonnes pratiques et de ressources pour concevoir des services numériques avec un plus faible impact environnemental.
- L’association Temesis propose un atelier de formation au numérique responsable
- Un certain nombre de bonnes pratiques sont listées dans le Référenciel Général d’Eco-conception des Services Numériques de l’Etat
- Avec Cédric Liardet, Simon a créé detoxtonsite, une formation pour apprendre à développer une “page minimaliste, agréable à lire et facile à charger” en HTML.